Chapitre 32 – Mis devant le fait accompli
Point de vue d'Arx Tetra.
Je n'avais pas eu trop de mal à convaincre ce pathétique vermisseau de me révéler un grand nombre d'informations au sujet de sa vulgaire sœur recherchée par l'Ordre. Après des jours à tenter de remettre la main sur cette gamine, nous avions enfin une piste pour la trouver. Je me délectais déjà de l'amener sur un plateau à ma Générale pour me racheter auprès d'elle après le fiasco d'il y a quelques années.
Je reposais ma seringue sur mon bureau en renvoyant 56, appelée simplement Natasha vers ses quartiers. Amalric vint cependant me parler personnellement au sujet de mon accès de rage, peu après le passage de Wynn. Je n'en revenais pas. Perdre autant d'hybrides en si peu de temps... Je me moquais des humains. Ils pouvaient mourir, même ceux servant l'Ordre – des idiots utiles – mais aucun hybride ne devait mourir. Encore moins dans un laps de temps si court... Et ma responsabilité allait être mise en jeu face à ma Générale qui n'allait pas tarder à entrer en contact avec moi – ainsi que mon supérieur direct – Zêta. On m'avait prévenu qu'il était enfin revenu de son opération à Tidal Tempest, et sans même m'avoir contacté, je savais déjà qu'il avait réussi. Il n'était pas le second de sa Générale pour rien. Passant sur cet accès de rage, ayant laissé une partie de mon bureau fendu, je m'en remis une nouvelle fois à la question d'Amalric.
« - Alors, que comptez-vous faire, Lieutenant-Colonel ? Posa-t-il, s'asseyant face à moi.
J'étais perplexe. Ils étaient cachés et je n'avais pas réussi à obtenir une localisation exacte en dehors d'une des îles : celle où se trouve Malié, ce qui me faisait douter sur leur présence non loin de là. Néanmoins, j'avais pu entendre une partie de leur... plan. Plan rocambolesque avec virtuellement aucune chance de réussite – mais au vu de ce qu'ils comptaient faire, je contemplais une offre en or. La laisser venir, la capturer, et écraser le reste de la résistance en allant chercher ce faux-prophète qu'était l'infâme Jason Storm dans le même temps.
- Je me tâtonne encore. Ils pensent pouvoir profiter d'une tempête et venir me voler un échantillon ? Ils croient changer quoi, au juste ? Questionnais-je de façon rhétorique. Ils n'ont aucune chance contre l'unité présente ici, encore moins contre ce que je prépare, et encore moins contre moi-même.
Amalric croisa les bras alors, arborant un air dubitatif plutôt que son air enjoué habituel. Il se confia à moi en me tutoyant ce qui eut le don de m'irriter légèrement.
- Tu sais bien ce que sa Générale pense de toi depuis cet incident. Si j'étais toi, je pense qu'envoyer directement une équipe spécialisée pour ramener 22 est plus judicieux, même si Jason est dans l'équation.
- Foutaises. Elle ne désire que trouver un prétexte pour m'écarter un peu plus, et tu le sais très bien. L'autre Général me l'a bien fait comprendre à sa façon...
Il savait bien de qui je parlais et parut outré de ma remarque. Mais il était conscient aussi que cela sonnait faux et qu'on était tous deux très bien au courant qu'il le servait plus que moi et ma Générale.
- Oh allons. Où est donc ton sang-froid ? Perds-tu pied ? Que cherches-tu à faire ?
- Comme toi, comme tous les autres. Abattre cet Ordre maudit qui n'a nulle raison de prospérer. Si je peux faire d'une pierre trois coups d'ici deux jours en capturant 22 et en tuant Jason pour ensuite éradiquer l'Ordre, je compte bien patienter, argumentais-je.
- Et si tu échoues, vieil ami ? Contra-t-il d'une voix teintée d'un avertissement.
Je secouais simplement la tête en finissant une synthèse de produit chimique avec mon mental.
- La question n'a pas lieu d'être car je n'échouerai simplement pas, prononçais-je, d'une voix ferme.
Il allait dire quelque chose, avant de se raviser sur l'instant, croisant ses bras en refermant le livre qu'il tenait.
- Bien, dans ce cas. Bon courage avec elle.
- Tu sais déjà très bien comment ça va se passer de toute façon. » Soupirais-je.
Amalric se retira alors en tirant sa révérence, probablement pour retrouver son supérieur personnel. Je me tâtais à trouver les mots que j'allais utiliser pour la mienne et m'attendais un peu au pire. J'espérais simplement qu'elle me lâcherait un peu pour laisser mon génie prospérer à nouveau sans être relégué à ces missions de seconde zone. Je passais ma main sur mon front, suintant la transpiration en me rasseyant dans ma chaise. Je fermais un moment les yeux, mes paupières se faisant lourdes en réfléchissant à comment allait se passer cette réunion.
Si cette maudite mission s'était bien déroulée, j'aurais pu devenir l'égal de Zêta, peut-être même plus que lui. Il avait ses problèmes, j'avais les miens. Quoiqu'on dise, même nos Généraux devaient avoir les leurs, bien que c'était extrêmement tabou de même les mentionner. Certains ayant osé défier ces derniers avaient disparu sans jamais laisser de traces. L'Ordre des Entités avait suffisamment de main d’œuvre pour remplacer les dissidents ou fouineurs trop bavards. Si je n'avais encore jamais été inquiété, c'était de par mon efficacité et de longues années de services rendus irréprochables.
Mais ça, c'était il y a quelques années. Depuis un foutu fiasco, sa Générale m'avait essentiellement relégué ailleurs, mais je n'avais pas faibli mon volume de travail pour me racheter envers elle. J'avais régulièrement tendance à lui tenir tête dans le passé mais dorénavant, cela n'était plus vraiment possible. Qu'importe...
J'entendis une sonnerie alors biper sur mes écrans. Écartant ceux ne me servant à rien, j'agrandis alors l'écran principal, tout en laissant un second écran ouvert pour le Colonel quand il serait présent. Je savais qu'il ne devrait pas tarder, mais qu'il était encore en vol à l'heure actuelle, ce qui signifiait une seule chose. Sa Générale Pandora était celle me contactant.
Je pris une grande inspiration alors, préparant toutes les données nécessaires afin de répondre aux demandes de ma supérieure, amassant alors un nombre incalculable d'informations en plus du lourd et poussiéreux grimoire se tenant sur mon bureau. J'appréhendais surtout la partie concernant le nombre d'hybrides tués en si peu de temps.
Même si nous avions beaucoup d'hommes nous servant, la grande majorité de leur plein gré et un tiers contaminé, ils étaient parmi les éléments les plus précieux de l'Ordre. Les perdre était difficilement... pardonnable, surtout pour un chef. En perdre autant était presque un affront. Et elle n'allait pas me louper sur ça.
Je décrochai alors sans plus attendre, habillé correctement pour l'occasion, ayant recoiffé mes longs cheveux derrière ma tête. Je pus alors observer Pandora, assise sur son trône imposant orné de multiples pierres précieuses, une nouvelle fois dans sa tenue traditionnelle. Elle n'avait pas de voile sur son visage, me laissant dévorer son air las qu'elle semblait constamment revêtir. Un air vide d'émotion, comme si elle avait vu des choses qui l'avaient rendue désintéressée de tout. Pour ceux qui s'y connaissaient un peu à son sujet, la réalité était d'autant plus dépressive.
« - Votre Générale, je vous demande audience.
Pour ne pas faire de vagues, j'inclinais ma tête face à elle, respectant le geste de respect officiel que je pouvais lui témoigner. Elle l'accepta, avant de me répondre laconiquement, d'une voix cristalline et à la fois profonde, caverneuse, comme si le néant lui-même s'exprimait.
- Relevez-vous, Lieutenant-Colonel.
Je cessais alors de m'incliner. Logeant mon regard dans le sien, je fus une nouvelle fois, malgré ma rancœur contre elle, subjugué par les glyphes ornant sa sclérose ambrée, lui conférant des yeux absolument mystifiants pour le commun des mortels.
- Je vous appelle afin de savoir où vous en êtes sur les différents fronts sur lesquels vous êtes. Au rapport.
Je me rassis dans ma chaise, agitant de nombreux écrans autour de moi.
- Tout d'abord, je tenais à vous annoncer que le cargo jet contenant votre marchandise a passé discrètement les frontières afin de vous livrer ce que vous me demandiez en ce qui concerne votre Substance Noire Pure. Le procédé vous a aussi été envoyé.
Elle hocha simplement la tête. Je continuais donc en profitant de son air plus... apaisé.
- Par la suite, j'ai pu récupérer le grimoire que vous cherchiez tout en étudiant son contenu. Je dois admettre que cela est ancien et très intéressant. Général Fedorov serait très probablement intéressé par ces textes d'un autre âge.
- Hélas, il devait venir aujourd'hui, avoua-t-elle. Un empêchement ne lui permettra pas malheureusement de faire acte de présence. Par conséquent, je lui transmettrai votre grimoire quand l'occasion se présentera.
- Fâcheux, mais compréhensible. Pour continuer, j'ai donc créé ce que vous me demandiez à ce sujet, bien que je n'ai pas encore testé cela sur moi.
Pandora croisa ses bras, l'air déçue.
- Je vous avais recommandé pourtant de l'utiliser sur vous...
- J'ai manqué de temps. Amalric a eu quelques problèmes de son côté suite aux différents échappés...
Elle soupira quelque peu.
- J'en suis au courant, en effet. Ainsi, 21 a été capturé par vos soins et intercepté par 19. Bon travail de sa part. Il n'y a eu que peu de pertes, je l'espère ?
Soupirant à mon tour en me prenant le front, je lui donnais le nombre d'unités perdues, ce qui la fit le temps d'une seconde écarquiller les yeux, avant qu'elle ne se lève, d'un air inquisiteur et furieux. Sa voix changea de caverneuse à proche de la colère.
- Votre incompétence m'exaspère, Tetra. Combien de fois nous vous avions prévenu de vos frasques inutiles menant à la perte de nos hommes ? Nous n'avons pas un stock infini de vies et vous continuez de les jeter en pâture face à des cibles dangereuses. Un tel niveau d'incompétence à propulsé nombre de vos confrères dans le monde des morts pour bien moins que ça.
Je balayais sa remarque.
- On n'en serait pas à ce niveau si depuis le début vous fournissiez les hommes que je demande. Pire, si nous nous étions tenus au plan, Marik ne serait pas dehors à tuer des nôtres comme le fait l'Expurgateur.
- Vous n'êtes pas en position de quémander quoique ce soit, souffla-t-elle en réponse. Vous avez assez utilisé de notre patience et au point où j'en suis, je pense qu'il serait temps d'organiser une réunion pour décider de votre sort. 22, 55 sont toujours en vie et en fuite. 11 l'est tout autant, et je peine à voir la tête de Kaos sur mon bureau. L'Ordre Blanc continue de filer entre vos mains pendant que vous vous occupez de vos babioles mécaniques à n'en plus finir.
J'allais rétorquer quelque chose, mais elle essuya ma remarque avant même que je ne puisse dire quoique ce soit.
- Votre incapacité grandissante à gérer et protéger vos unités, chose qui se produit depuis maintenant cinq ans, ne fait plus aucun doute sur votre personne. Je peux vous donner une dernière chance, si vous parvenez à me convaincre immédiatement.
Je me relevais alors, amenant de nombreux documents pour supporter mes dires à venir.
- Je suis parvenu à être au courant des plans de l'Ordre Blanc. Ils aimeraient se procurer quelque chose d'important sur lequel j'ai travaillé – à savoir la Substance Noire Pure. Shade, comme elle désire s'appeler, projette un plan qui implique de se jeter dans la gueule du loup en se rendant sur l'île où je me trouve.
Pandora sourcilla une petite seconde, avant de sourire pour au final lâcher un rire proche de la démence, comme si elle ne parvenait pas vraiment à y croire.
- Sont-ils vraiment si stupides ? S'exclama-t-elle. Ont-ils oublié le bouclier ?
- Non hélas, répondis-je. Ils ont prévu ça, de par les informations fournies par Shade ayant travaillé ici il y a quelques années.
Je lui expliquais alors le tout, mentionnant chaque détail me venant en tête au sujet de Marik Hikari, Shade mais aussi des actions entreprises par Jason pour nous voler cet échantillon. J'ignorais bien en quoi cela pouvait leur servir cependant, étant donné qu'aucun remède n'était possible et qu'il était vain de même tenter de venir ici pour me le dérober. Cela relevait de la stupidité pure et dure, à moins qu'ils n'avaient quelque chose en tête...
Je poursuivais mon explication détaillée tandis que le visage de ma Générale resta ferme, écoutant avec attention ce que je disais. Elle parut légitimement inquiétée à la mention de Marik Hikari et de son plan pour aller saboter des installations cruciales – surtout de par le fait qu'on n'avait pas une équipe suffisamment puissante pour lui faire face. Cela était exacerbé depuis que nous savions qu'il avait une maîtrise de l'Artefact accroché à son bras, ce que Pandora apprit alors après mes explications, lui donnant un air plus perplexe.
- Il est impératif que je vous envoie une partie de mon équipe spéciale juste pour lui. Il est bien trop dangereux avec cette relique au bras et en plus, s'il le maîtrise encore mieux que la dernière fois, nous risquons bien trop gros.
- Je peux toujours envoyer Natasha, rétorquais-je, son ancienne partenaire. Elle a passé de longues années à se préparer à lui arracher son bras et le tuer avec sa propre équipe liée au Général Fedorov.
Elle secoua la tête, avant de se rasseoir sur son siège.
- Ce ne sera bien évidemment pas suffisant. Déployez vos hommes majoritairement autour de l'Île de la Désolation et envoyez 56 ainsi que l'équipe spéciale que je vais préparer pour vous contre lui.
Je me pris le menton, perplexe de sa réponse.
- Êtes-vous sûre ? Vos troupes sont déjà bien empêtrées là où vous êtes, le mot m'est parvenu jusqu'ici. Vous séparer d'hommes quand vous avez à gérer cette maudite princesse et l'autre taré d'acier...
- Ne doutez pas de mes capacités à faire avancer mes pions sans trop de pertes. Ceux que je vais vous dépêcher sur place par avion ne devraient pas me faillir.
- Entendu.
Elle ne me répondit que d'un air pensif, durant de longues secondes sans répondre en agitant une sorte de puzzle s'apparentant à un octaèdre fait de bois, avant d'y planter son regard comme si elle était obnubilée par ce dernier.
- Une fois que Marik sera exécuté, il ne restera plus qu'à écraser le reste de l'Ordre. Aller affronter le petit groupe dès maintenant serait un suicide. Patientons et agissez en conséquence lorsque la tempête s’abattra et qu'ils essaieront la moindre tentative d'assaut, aussi vaine sera-t-elle de leur part. Je compte sur toi, Tetra, sur ta réussite. J'ornerai mon trône de votre tête si un échec atteint mes oreilles une nouvelle fois.
Je me retins d'une réplique, prenant sur moi une nouvelle fois. Je me devais de la supporter. Elle parut amusée de ma réaction, son sourire s'étirant.
- Pour finir, si Shade atteint votre champ de vision, je la veux vivante, à mes pieds. Tuez-la, et je vous assure que vous regretterez chaque seconde où la Mort ne viendra pas à vous.
Sa voix se fit tranchante, et je peinais à comprendre pourquoi. À vrai dire, outre le fait que ce soit une fugitive comme les trois autres qu'on avait eu avant elle, je ne voyais pas ce qui la rendait si différente, si ce n'est même plus prioritaire que les autres.
- Si je puis me permettre, je peine à saisir un détail. Parmi les quatre évadés, sans compter 21 et 11, nous avons des priorités absolues sur Calixte Walden, ainsi que le premier évadé... Qu'est-ce qui rend si important une vulgaire sotte incapable de son genre ? M'auriez-vous gardé dans l'ignorance une nouvelle fois ?
Elle ne parut pas énervée, ni même outrée de ma question, prenant simplement son menton, donnant l'impression qu'elle réfléchissait profondément à ce qu'elle allait me dire. J'étais très intéressé d'en connaître les raisons. Pour être honnête, de tels moyens n'avaient pas été déployés initialement avec certains anciens évadés, qu'un tel remue-ménage soit fait pour elle me paraissait futile et à la fois intriguant.
- C'est en rapport avec l'Ordre. Vois-tu, Shade est particulière. Il s'agit de...
À mesure qu'elle avança dans l'explication, je ne pus m'empêcher de la regarder premièrement avec stupeur, puis deuxièmement avec mépris et incompréhension. Je ne pouvais pas y croire - était-elle réellement ce dont elle me parlait à l'instant ? Je savais beaucoup de choses sur l'Ordre des Entités, sa genèse, sa création, ses buts réels et primordiaux. Je connaissais un nombre incommensurable de données au sujet de chaque Entité considérée comme cruciale au bon fonctionnement de l'Ordre. Qu'elle me sorte ça de Shade me mit réellement... mal à l'aise, ce qui était extrêmement rare pour moi. Cela n'était pas arrivé depuis des lustres...
- Je... vois, fis-je, l'estomac noué. Si seulement j'avais eu vent de ces informations plus tôt, j'aurais agi en conséquence depuis le début. Je...
- Ne te méprends pas trop, Tetra. Il était risqué de te révéler ça aussi tôt, et même maintenant en y réfléchissant, pesant le pour et le contre, je doute que cela fut une bonne idée. Mais ce secret ne serait pas resté ainsi trop longtemps. Il était temps.
Je restais très perplexe à ce sujet. Tandis qu'elle sembla témoigner une certaine impatience de la non-venue de Zêta dans l'appel, elle resta très pensive tout comme moi au sujet de 22. Je devais à tout prix ramener la fuyarde dans les bras de notre Ordre sans prendre le risque de... réveiller ce qu'il ne fallait pas chez elle. Pire, il se pouvait que ça le soit déjà...
- Quant à Cute, elle est inoffensive. Vous pouvez la laisser gambader pour le moment, nous ne risquons pas grand-chose d'elle. Mais tâchez quand même de la localiser une fois cette opération terminée, que nous puissions la traduire ici afin qu'elle réponde de ses actes.
- Entendu, répondis-je.
Elle marqua une nouvelle pause, observant sa montre noire à son poignet, soupirant d'un coup.
- Il ne vient toujours pas, à quoi joue-t-il encore...
- Je vais donc me concentrer sur ce qu'il me reste à faire, si vous me le permettez. Je ne vous décevrai pas, Dame Pandora.
Je m'inclinais face à elle pour en finir en plus vite, et pour ne pas attiser son courroux un peu plus. Elle accepta sans me faire plus de reproches, me laissant alors dans ma solitude douce et agréable.
- Je cesserai de douter de vous quand je verrai des résultats. Bonne journée, Lieutenant-Colonel. »
Je fermais alors mes écrans numériques dans des dispositifs dernier cri avant de les repousser loin de moi. J'amenais à la place mes plus grands écrans holographiques afin de continuer à faire ce qui m'était prioritaire. D'un œil aux aguets, je pouvais ainsi observer d'un œil scrupuleux chaque cellule et en particulier celle du traître 21, mais aussi surveiller la base dans sa quasi-totalité et surtout, par dessus tout... J'avais un œil permanent sur mes projets finaux pour cet Ordre qui ne savait plus respecter mon travail.
Depuis cet affront, j'étais partagé entre révolte et désir de reconnaissance qui m'avait été retiré pour des futiles et idiotes raisons. Mais cela allait changer entièrement bien assez tôt. J'avais appris d'un bon nombre de mes erreurs passées afin de pouvoir écraser l'Ordre Blanc et ses généraux dans le creux de ma main. Je me focalisais sur mes machines, seuls véritables compagnons qui pouvaient me comprendre.
Que ce soit Natasha, Amalric... Aucun d'entre eux ne pouvait vraiment me comprendre. Les machines étaient devenues au fil du temps mes seules occupations pour venir à écraser les plus grandes menaces à notre Ordre. Un grand projet au final arrêté par cette chagasse aux yeux de glyphes... Je me levais alors une nouvelle fois, cette fois-ci me dirigeant vers une grande salle fermée par d'immenses portes blindées ornées du symbole de l'Ordre, alors que 56... enfin, Natasha semblait m'y attendre. Comme à son habitude, toujours en jonglant avec des kunaïs dans ses mains.
« - Toujours à penser à tes machines au lieu de vouloir taper la causette à l'autre vieille chouette de Pandora ?
- J'en reviens presque à regretter les discussions avec ton supérieur, soupirais-je en hochant la tête.
Natasha paraissait taquine et joyeuse mais cachait en réalité une haine absolue envers une seule âme ayant vécu ici parmi nous. Marik Hikari était sa seule cible et elle en était complètement obnubilée, à tel point que lorsque nous l'avions recueillie une seconde fois, elle avait dû être internée un moment pour qu'elle se rétablisse et retrouve ses repères.
Elle était l'ancienne coéquipière de Marik. Ces deux derniers formaient un duo impressionnant en terme de violence, terreur et de discrétion. Marik était plus calculateur et vicieux, Natasha quant à elle préférait se délecter de sa propre violence envers ses ennemies, pire que Shade ou encore Wynn. Il était son homme de main, elle était son couteau aiguisé. Il fut un temps où nous ignorions la raison de la fuite et libération mentale de Marik, mais nous avions une certaine idée à présent. Et Natasha attendait avec une grande impatience le jour où elle pourrait se venger de lui.
Le soir où Marik décida de fuir l'avait marquée à jamais. Se battant contre lui avec une telle violence la menant à honnir celui qu'elle considérait comme un allié, elle fut laissée pour morte après un rude combat contre lui. Ce n'est que par pur hasard et chance qu'elle fut retrouvée encore vivante et sauvée in-extremis par nos équipes. Effacée des registres et sous un nouveau numéro, il fut impératif qu'il ne croie jamais qu'elle eut survécu. Et de ce que j'avais compris d'elle, c'est que Marik était tout aussi furieux de la revoir il y a une nuit de cela.
- J'attends toujours ce que tu m'avais promis, mon vieil ami, fit-elle d'une voix proche de la chaleur.
Cette tendance à se sentir ainsi pour les choses que je pouvais lui donner avaient le don d'être répugnante, mais je devais faire avec. Cela était un peu forcé par son propre chef...
- Ne t'en fais pas, c'est prêt et amélioré. Alors fais-moi plaisir et ramène moi son bras sur un plateau d'argent d'ici deux jours, tu veux ?
- Cela sera fait avec le plus de préjudice possible, Lieutenant. Il me tarde de vous rapporter ce qu'il vous a volé...
J'en étais satisfait, mais je n'y perdis pas trop de temps. Son équipe allait bientôt arriver pour l'entourer afin qu'elle ne soit pas une nouvelle fois laissée pour morte. Marik devait mourir pour le bien de l'Ordre. Je me dirigeais alors vers mes quartiers, lui tendant une armure blindée avec un exosquelette amélioré rien que pour elle, dans l'unique but d'amplifier ses attaques et sa résistance tout en lui gardant son agilité exemplaire rivalisant avec celle de son ennemi.
Des couleurs pourpres discrètes épousaient la forme agile et fine aux couleurs sombres comme l'obsidienne. Une visière transparente aux couleurs orangées ornait le casque de protection de l'armure parsemées de formes tranchantes et affûtées dans l'unique but d'être une machine à tuer, le tout avec un blindage fait d'un alliage dont j'avais le secret. Quelque chose de redoutable dont le seul objectif était de couper Marik en plusieurs morceaux.
- Voici des mois de travail dans le creux de ta main, clamais-je. Endosse cette armure et soit celle qui ramènera un de nos artéfacts manquants. Je compte sur toi plus que quiconque.
Elle fit une courbette – on ne peut plus honnête – envers moi avant de me regarder dans les yeux avec un air proche de la jubilation. Ce qui me rendit un peu plus mal à l'aise face à elle. Vivement qu'elle s'en aille...
- Je ne vous décevrai pas, Lieutenant. »
Enfilant l'armure sous mes yeux, elle s'observa durant de longues secondes avant de s'échapper dans les ténèbres de la nuit qui commençait à tomber, nous rapprochant de l'heure fatidique. Je m'éclipsais sans dire un mot, gardant mes écrans autour de moi pour me préparer pour un dernier test grandeur nature sur mon plus grand projet. Je me mis au pas de course en fonçant vers la salle, ne perdant pas de temps.
Je poussais les immenses portes d'acier ornées du symbole de notre Ordre. Gravant les marches me menant là où je le désirais, je décidais de faire un tour complet de la machinerie tout en demandant à mes techniciens fidèles où en était la production et si les derniers armements étaient fonctionnels, ce à quoi je pus recevoir une réponse plus que positive. La seule chose qu'il restait à peaufiner était donc le réacteur principal.
Je me rendis alors droit vers ce dernier, me mettant à léviter vers mon point d'intérêt, passant mes mains délicatement sur la porte spéciale et blindée abritant à l'intérieur mon réacteur presque opérationnel. Je pus sentir la chaleur émaner du réacteur. Tout était bientôt prêt. J'ouvris alors la porte, avant de passer mes fins doigts délicatement dans les cheveux flamboyants d'une jeune âme à l'intérieur, l'air affaiblie et dans un état proche du coma.
Je savais que je devais... remettre ce réacteur à ma Générale et surtout au Général Fedorov qui appréciait beaucoup cette créature spéciale. Mais elle me servait secrètement pour le moment en tant que réacteur d'un nouveau genre, comme le monde ne l'avait pas encore vu. Ils n'avaient pas la moindre idée de ce qui les attendait et bien assez tôt, j'allais être couronné comme le seul derrière la mort de Jason, Marik, et du sauvetage de 22 de cet Ordre Blanc de racailles. J'étais prêt à les accueillir dans leur tombeau autant qu'ils étaient prêts à m'y jeter dedans.
Qu'ils viennent me chercher. Ma repentance n'attend que vous.
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Et nous revoilà avec le géolier de Nokath. Concentré, déstabilisé, sera-t-il capable d'assumer ses fonctions jusqu'au bout ? Bien assez tôt, la réponse sera apportée...
Un chapitre qui amène donc plus de questions sur la table (encore?) mais aussi quelques réponses. Il semble que Shade est bien plus que ce qu'elle peut croire à son propre sujet... Mais qu'est-elle donc, alors ?
Merci encore de m'avoir lu :) Les prochains chapitres arriveront courant Mai/Juin. Peut-être avec la fin de l'Arc cette année, pour de bon ?
Bonne nuit, et bonne lecture à vous !